17.1.10

BEAUTE MALEFIQUE
Rem Koolhaas




Imaginer le néant

Où il n’y a rien, rien n’est possible. Où il y a architecture, rien (d’autre) n’est possible. Qui n’éprouve pas une intense nostalgie à l’égard de ceux qui pouvaient – il y à moins de 15 ans encore – avec un simple crayon rouge, condamner – ou était-ce libérer, après tout – des quartiers entiers de désespoir urbain, changer des destinées, spéculer sérieusement sur le futur à l’aide de diagrammes totalement absurdes, conduire leur public à l’extase avec les gribouillis qu’ils laissent sur le tableau noir des salles de conférences, manipuler les hommes politiques à coup de statistiques féroces… le nœud papillon seul signe extérieur de folie.. Époque où il y avait encore des penseurs ? C'est-à-dire nostalgie pour tous ces historions qui comme des clowns – pathétiques et courageux – sautent de falaise en falaise, battant de leurs ailes inutiles mais ressentant au moins le plaisir de la spéculation pure en chute libre. Une telle nostalgie n’est peut être pas due simplement à la recherche de l’autorité perdue de la profession architecturale – il semble difficile que l’architecture à perdu de son autorité depuis leur disparition – mais plutôt à la recherche d’une autorité sans autoritarisme. Il y a une certaine ironie dans le fait, qu’en architecture, « mai 68 » s’est traduit par encore plus d’architecture ; plus de trottoirs, moins de plages, bien que de nombreuses activités souhaitables se déroulent indépendamment de l’architecture. L’acharnement des architectes – forme de myopie qui les a conduit à croire que l’architecture est non seulement le véhicule de tout ce qui est bon, mais aussi l’explication de tout ce qui est mauvais – est peut être autre chose qu’une déformation professionnelle et plutôt une réaction envers tout ce qui est le contraire de l’architecture : l’horreur instinctive du vide, la peur le néant.

Il est tragique que les urbanistes ne puissent que planifier et le architectes dessiner des architectures ultérieures. Et bien plus important que le design des cités est – et le sera plus encore dans le futur immédiat – celui de leur décomposition. Seul un procédé révolutionnaire d’effacement et d’établissement de « zones » de liberté, Nevada conceptuel où toutes les lois de l’architecture sont suspendues, permettront-ils de mettre fin aux tortures inhérentes à la vie urbaine – la frcition entre le programme et ses entraves. Si le terril de l’Histoire s’est récemment enrichi de débris dont la laideur stylistique cache le contenur réel, l’exploration et l’exploration du néant expliqueraient une tradition cachée. Toute la horde balbutiante des éléments pensants de la contre culture anglo-saxonne des années 1960 – toutes les bulles, les dômes, les mousses, les oiseux d’Archigram – (comme il serait amer d’être redécouvert au moment où l’amnésie s’empare de votre propre performance) – le courage philistin de Price. Imginer le néant c’est : Pompeï, cité construite avec un nombre absolu de murs et de toits, la grille de Manhattan, « là » un siècle avant qu’il y ait un là ; Central Park, vide qui a provoqué les falaises qui l’entourent maintenant ; Broadacre City, le Guggenheim, Hilberseimer, « Mid West » - avec ses vastes pleines d’architecture zéro – c’est le mur de Berlin. C’est à travers tout ces exemples, la révélation que ce vide, le vide de la Métropole, n’est pas vide, que chaque vide peut être utilisé pour ces programmes dont l’insertion dans le tissu existant représente un accomplissement digne de Procuste, et qui conduit à la double mutilation de l’activité et du tissu
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Rem Koolhaas, 1985


et en bonus une séquence choisi de La jetée

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