29.11.10

SS

(Seinesaintdenis Style)

Département emblématique des banlieues françaises, la Seine-Saint-Denis, étiquetée du médiatique label 9-3, incarne depuis le début des années 1960 le cliché d’une jeunesse en colère, stigmatisée comme graine de “voyous” ou plus récemment de “racailles”. Une image à laquelle le réalisateur Jean-Pierre Thorn a décidé de tordre le cou en redonnant toute sa valeur à un demi-siècle de contre-culture musicale, et aux voix souvent réprimées d’un territoire en perte d’identité, mais jamais en mal de vitalité… Du concert mythique de la Nation en 1963 au slam d’aujourd’hui en passant par le punk et bien sûr la grande vague hip-hop, le documentaire retrace les différentes étapes d’une résistance musicale intimement liée à la réalité sociale et populaire dont elle est issue. Une épopée racontée par quelques-uns de ceux qui en ont fait la richesse et la créativité : Daniel Boudon, chaudronnier et batteur d’un groupe rock au début des années 1960, Marc Perrone, promoteur du folk dix ans plus tard et précurseur du slam, Loran de Bérurier Noir, icône de la génération punk, DJ Dee Nasty, artisan de la culture hip-hop française, le rappeur Casey, associé au rockeur radical de Zone Libre (ex-Noir Désir) et le slameur D’ de Kabal. De larges extraits de concerts (NTM, Bérus…) et des archives percutantes racontent ainsi l’histoire d’une banlieue minée par une politique urbaine anarchique, des mutations industrielles successives, la désillusion politique et l’indifférence, voire l’agression, des pouvoirs publics : un terreau fertile, où culture et pensée ne cessent de se réinventer.

Le reportage est ici, et dans un genre plus incisif les clips de Romain Gavras ici et

28.11.10

LA

(Lost Astronaut)
Dear Gina,

I am an astronaut by profession. I know you usually help artists but as I continue to be lost after my one and only trip to the moon 39 years ago, I feel that you are the person that can help me. My endeavors have never been celebrated. The mission I commanded was top secret and therefore not subject to the usual fanfare afforded to the Apollo boys. In fact, I was the first on the moon. I made it there, walked in that luscious white dust, planted a flag, and have photos to prove it! I was not so lucky with my return flight. I had the same problem that Gemini 8 had a year later, only more intense. The thruster malfunction caused my ship to spin out of control in a never ceasing orbit of Mother Earth. Never was I allowed a suitable ocean plunge until I was propelled out of space on August 13, 2009 in a meteor shower that threw a hundred stars with me. I now walk the streets of Manhattan, alone, unable to shed my space suit because no one will touch me. I am a healthy, drop-dead gorgeous, brilliant female; accomplished, with a savings account and a wealth of experience. I don't really want a husband, but I need relief. You see, something about this ill-fitted suit and all those years of spinning has left me in a suspended state of excitement. Houston, Houston do you read?

Moonstruck
Suite a la création d'un personnage fictif - un ancien cosmonaute jamais remis de sa seule mission sur la lune - Alicia Framis à errer dans les rues de New York pendant 15 jours,réalisant les instructions commandées par 15 artistes et écrivains.

17.11.10

BB

(Back to Basics)


C'est en octobre 2008, par une pluvieuse après midi d'automne à la biennale de Venise, qu'à été prononcé le décès aussi subi subi qu'inattendu d'une génération complète d'architectes-stars, celle des années 2000. Cette déclaration orale, revendiquée par une série d'étudiants bruxellois en visite à la grande messe bisannuelle de l'architecture m'a laissé doublement pantois : d'admiration devant la lucidité d'un tel jugement malgré leur jeune âge et d'horreur devant une situation que je n'avais pas anticipé; celle de faire partie, subitement, de ceux qui les avaient vécues, ces dites années de star-système florissant. Cet enterrement expéditif fut suivi, quelques mètres plus loin, d'une exhumation tout aussi improbable: celle de l'exposition Roma Interrota, initialement montée en 1978 sous la tutelle de Colin Rowe. Avant sa réhabilitation vénitienne, l'exposition avait été montrée à New York, Mexico, Londres, Toronto, Zurich, Bilbao, São Paulo, Paris et Barcelone; il y à 30 ans.
L'histoire de l'architecture articule une succession de moments culturels. Par ce texte, je vais essayer de sonder le moment présent et d'identifier les mécanismes à l'œuvre dans cette variation supplémentaire de la partition architecturale autant que son interprétation. Il est temps d'interroger un double choc générationnel : d'une part, celui constitué par la production architecturale émergeant actuellement, celle de notre génération; et d'autre part, celui issu de la fascination des jeunes diplômés pour des modèles encore récemment enfouis. C'est avec ce triple regard de commentateur culturel, d'enseignant et d'architecte praticien que je m'efforcerai de dégager quelques pistes de réflexion.

Revenons à Venise. Pourquoi, au fond, cette exposition Roma Interrotta a-t-elle eu un impact aussi considérable sur les étudiants, en lieu et place de ce qui aurait pu être attendu, à savoir la constellation d'objets labélisés sagement alignés dans la Corderie de l'Arsenal? Serait-ce dû au sentiment tenace qui, à la fin du parcours présentant les "architectes actuels", renvoyait à la sensation communément partagée d'une fin d'après midi chez Ikéa, lorsque écœuré, on ne peut plus voir un seul de ces divans, tables chaises ou armoires? Au-delà de la simple provocation, force est de constater que les objets disposés dans les rangées du célèbre magasin suédois et ceux exposés à la biennale partagent quelque chose en commun : leur statut d'objets soigné et proposé au regard. Par le biais d'un processus progressif de réification, les architectes ont produit depuis dix ans des objets clos, accompagnés dans leur médiatisation par autant d'images finies. Suivant l'idée de la locution anglaise "What you see is what you get", les projets d'architecture autant que les véhicules de leur communication se sont progressivement externalisés, à la pensée pour s'inscrire dans le réseau marchand d'une promotion appuyée sur la compréhension immédiate, à l'inverse de principes fondés sur le développement de logiques internes et la recherche d'interrogations conceptuelles. Je suis dès lors tenté d'émettre l'hypothèse suivante concernant la magie exercée par l'exposition Roma Interrotta; indépendamment d'une certaine nostalgie face aux plans tracés à l'encre sur papier calque et leur présentation en cadres évoquant l'univers feutré des galeries d'un autre temps, les projets possèdent, chacun et surtout par leur ensemble , un caractère qui renvoie à deux choses essentielles: le degré zéro de la question architecturale, présence et manifestation de l'espace au-delà du signe; la fiction spéculative, dimension poétique d'une univers conceptuellement élaboré, dont l'abstraction laisse cependant place l'interprétation et à l'imagination.

Une décennie après l'avènement des Paperless Studios dans les écoles d'architecture à travers le monde, on voit à présent réapparaitre des projets d’Architecture sur Papier, dans la lignée des expérimentations poétiques et pédagogiques de Jonh Hejduk à la Cooper Union. L'architecture objectivée, définie par interposition de paramètres externalisés, se cherche un deuxième souffle qui puisse légitimer tant d'efforts. Aldo Rossi et son idée de la critique par la pratique architecturale sont réactualisés par l'intermédiaire de projets sur les villes. Les indices d'un retour à la discipline sont évidents. Des tiroirs de l'histoire, celui qui contient l'héritage est à nouveau ouvert et l'ouvrage de la modernité remis sur le métier. En réaction à une décennie d'invention architecturale à tout prix caractérisée par la production d'objets phares ou résumée à une approche programmatique se manifestent des recherches liées à la spatialité comme base architecturale, tant d'un point de vue phénoménologique (les contours de l'espace, sa matérialisation..) qu'au niveau des dispositifs qui permettent de le révéler, le rendre lisible et intelligible. Anti-objet et anti-image, la question de l'espace est à nouveau au centre du débat. Et, coïncidence ou probablement pas, les architectes ne sont pas les seuls à réviser les fondamentaux de la perception, de la modernité et de l'héritage - je pense aux travaux des artistes Dominique Gonzales-Foerster et Tom Sachs par exemple.

La réplique en cours actuellement dans le domaine architectural, qui consiste à envisager de nouveau les questions d'espace à réévaluer la capacité performative de l'héritage et proposer un temps d'arrêt dans la course à l'iconographie est salutaire ; d'une part parce qu'elle est réflexive et d'autre part parce qu'elle marque le signe d'une volonté d'opérer sur le réel. Celui la même qui reconnait les formes de la complexité - à l'inverse de complications fabriquées de toutes pièces - et suggère d'y intervenir avec simplicité et évidence - en contre-pied d'une attitude simpliste. Étrangement, et ce dans l'idée d'une figure impossible, le moment actuel n'existe que parce qu'il se réclame d'une intemporalité absolue alors même qu'il ne peut être que temporaire, au risque sinon de verser dans la nostalgie, le rigorisme fermé et la posture réactionnaire. Une transition plus qu'une finalité. C'est probablement dans l'après Back to Basics que nous pourrons identifier la pertinence et la portée réelle du temps présent, au travers de sa capacité à continuer de produire une pensée critique en mouvement.

Texte / Cédric Libert
Pics /Paul Mouchet, BigBoxness

extraits du dernier numéro de Face B - Back To Basics