23.9.10



ED RUSCHA



Culture Noir&Blanc et Snapshots
Ed Ruscha aime le rappeler « j’ai grandi dans un univers non coloré » Tous les films, les magazines, les comicbooks qui l’ont fascinés étaient en noir et blanc.
Le voyage initiatique qu’il fait durant sept mois dans 17 pays européens avec sa mère et son frère lui ouvre les portes de la photographie, mais plutôt comme un moyen de documenter ses futures peintures. « La photographie me permet de mettre à plat, en deux dimensions la réalité, ce qui facilite ensuite mon inspiration pour créer mes tableaux ». D’ailleurs, ces photos sont essentiellement des mises en application des techniques qu’il a apprit à l’école. Son œil se promène mais garde une vraie distance face aux mouvements, à l’activité, peu de personnes, justes des choses. Parmis les 450 photos rapportées aucune ne montre la Tour Eiffel, Montmartre ou l’Acropole, et ne s’attachent pas non plus à des sujets données. Elles ne concernent que des curiosités et une « plastique » de scènes ordinaires et de motifs isolés, qui crée un ensemble plutôt vernaculaire. Il ne figure non plus jamais de notes concernant le lieu ou la date, confirmant un anonymat qui témoigne de la volonté de saisir des détails et des impressions « je ne réfléchissais pas, je voyais quelque chose qui semblait avoir de la vitalité, et je le capturais ».

Série, livres, Non style
En revenant de l’Europe, Ruscha commence à trier et regarder ses clichés et change sa façon impulsive de prendre des photos se concentrant sur des séries, tout en gardant l’idée d’une mise à plat de la réalité pour des graphismes futurs. La première d’entre elle « products » concerne les produits de consommations courant, pris dans leur état, c'est-à-dire utilisés, endommagés, des objets trouvés, du ready made. Une démarche toujours aussi passive, mais cette fois locale par laquelle il continu a constituer une sorte de mémoire.
Peu à peu il entame de nouvelles séries, et développe sa passion pour les livres, « pour ces objets finis aux sensations tactiles ». Il publiera 17 livres en 16 ans chacun dédié à une série. Les livres matérialisent petit à petit ces inspirations, et lui permettent d’affiner au fur et à mesure cette idée d’objectivité et du refus d’un quelconque style ou regard par rapport au sujet photographié. Il établi ainsi une trame pour chacun d’eux, où les images se posent sur une grille prédéfini, cherchant une neutralité et une clarté rigoureuse. Et le non style devient petit à petit un style, qu’il archive désormais dans des ouvrages papier.

26 gazoline stations & 34 parking lots
« J’ai eu la vision d’être un grand reporter quand je fis la série sur les stations essences. Je faisais l’aller-retour Oklahoma-Los Angeles cinq ou six fois par an, et je voyais tout ces territoires en friche en me disant que quelqu’un devrait surement rapporter de leurs nouvelles en ville. Prendre les stations essences, unique repère dans ces paysages désert, toujours de la même façon, était pour moi la voie la plus direct de ramener ces nouvelles, la façon la plus simple de prendre les faits. Ce n’était juste qu’un manuel, comme un manuel d’instructions, pour les gens qui voulaient en savoir plus sur des choses comme cela ».
Toutes les stations ont la même composition, dictée par la même structure de la fonction : garage, magasin, réservoir surplombant et une marque, un logo. Ce qui intéresse Ruscha, outre l’effet cinématique même du snapashot (il roule, il s’arrête, il prend toujours la même photo, il repart) ce sont les petits détails qui ressortent alors, les signes que les compagnies mettent en place pour permettre à leur client de s’identifier. Par cette action répétitive, qui transpire dans toute sa démarche, par cette neutralité qu’il cherche et qu’il explore à travers différentes trames (technique de prise photographique, grilles de ces livres, structures fonctionnelles similaires des bâtiments) il met en exergue les différences, les détails, et les exalte, tout en restant désengagé.
Ce travail conceptuel va prendre un sens encore plus abstrait avec la série 34 parking lots in Los Angeles. Un dimanche matin, lorsque les parkings sont vides, il loue un hélicoptère et un photographe professionnel et survole la ville pendant une heure et demi, donnant des instructions aux photographes prenant les clichés pour lui.
Ces photographies aériennes créer une vision en entonnoir, et une profondeur de champs qui ne peut pas être mesuré ou défini. Dans ces images en particulier, prise du dessus depuis une altitude relativement basse, le point de vue ne génère pas l’illusion de profondeur spatiale, mais suggère plutôt un terrain plat sur une pente oblique. Si l’on revient sur les premières photographies de Ruscha, et notamment cette vue de Venise prise en 1961, on ressent alors avec ces photos de parkings a quel point ces aspirations étaient déjà présente, mais dans un état non contrôlé. Ce qu’il fait avec ce travail aérien, avec le bagage conceptuel qu’il a mis en place, n’est que la prolongation d’une recherche entamé intuitivement 8 ans plus tôt et qui le poursuivra, une mise à plat de la réalité, le jeu des diagonales et des perspectives, et la lente et méticuleuse rationalisation des ces impressions.
et en bonus On the sunset Strip, un dépliant de 9 mètres de long sur lequel sont photographié chaque batiment du Sunset Strip de Los Angeles


Livre.
Ed Ruscha Photographer, Whitney Steidl Editions, 2006
Vidéo.
Ed Ruscha parle de son travail ici
Tracks.
The doors, L.A Woman,

18.9.10


Ne ( presque ) rien faire est ( presque ) très bien
Guy Debord, John Cage & Rem Koolhaas




Quelques domaines sont motivés principalement par le maximalisme, l’architecture en fait parti, se distinguant par son besoin infini de prouver. Le succès dépend du contenu du portfolio, de la taille du projet, du prestige du client, du déluge de publicité et, de la narcissique, compulsive et théâtrale personnalité de l’architecte, pour qui tout n’est jamais assez. L’ambition débridée est la marque de fabrique des prestigieuses agences et écoles d’architecture, ou « rentrer à la maison » est considéré comme renoncer. Pour n’importe qui espérant échapper la corvée de répondre basiquement à la demande programmatique du client, dormir en dessous son bureau est parfaitement normal. Pour devenir un architecte pensant, créatif il ne suffit pas seulement d’être capable de faire n’importe quoi, il faut aussi le faire. Travail, travail, travail, c’est le mot d’ordre.

Face à ce déluge d’énergie, plus rien ne doit être laissé au hasard, l’architecte tente de tout contrôler et ce qui compte est de poser un univers total.. Tout doit être complètement travaillé, ne laissant ni questions ouvertes, ni le moindre trou non rempli. Basé sur une totale refonte, l'architecture tente une retouche de la réalité plutôt que l’addition de subtiles touches. Elle veut toujours des stratégies, alors que les tactiques sont souvent de meilleures solutions.

Pour une grande partie de l’architecture contemporaine, le dossier de concours semble représenter la condition unique. Il est vu comme un cadre de travail qui défini autoritairement là ou le projet doit aller, c’est la mission qu’il faut remplir sans questionner la mission plus que cela. En adoptant cette relation au programme, l’architecture se met fatalement au dépend de sa qualité. Si le programme est maladroitement défini, ce qui est souvent le cas avec les compétitions, alors la réponse architecturale à la question posée ne peut pas être beaucoup plus intelligente. Le programme n’est pas une donnée ultime, mais un matériel visant à être traité, réfléchi, testé, questionné et si nécessaire, redéfini.

Cet acte de réinterroger la question peut causer aux architectes une variété de conclusions radicales. Une d’entre elle peut être de rejeter le projet.
Il y a par exemple ce fameux épisode concernant l’architecte Cédric Price et le couple marié qui lui ont demandé de construire une maison. Lorsqu’ils ont commencé à expliquer ce qu’ils désiraient, ils ont eu une dispute, marquant évidemment leurs différents désirs et concepts à propos de la maison. Finalement Price les a interrompu, et leur a dit que ce dont ils avaient besoin n’étaient pas d’un architecte, mais d’un avocat, et a rejeté la commande. Même si Price n’a pas fait le projet, il n’a pas clairement rien fait. Il a fait une proposition dans l’urgence concernant ses clients pour les mettre devant le fait que le vrai problème n’était pas de construire une maison, mais de reconstruire leur relation. Ce qui est un refus constructif.


C’est aussi le cas quand le projet refuse de se matérialiser en tant qu’œuvre, comme la fameuse composition de John Cage appelé 4’33’ qui consiste en un pianiste assis au piano et ne jouant pas pendant exactement 4 minutes 33 secondes. Ce n’est évidemment pas rien, et cela devient un scénario vraiment dense. Le public commence à se demander ce qu’il se passe et pourquoi le musicien ne commence pas à jouer. Pour compenser l’insupportable silence, les spectateurs commencent à émettre des bruits furtifs, raclant leurs gorge, gesticulant nerveusement.. C’est seulement quand le musicien se lève et quitte la scène que l’auditorium réalise soudainement que la performance pour laquelle il était venu et qu’il attendait impatiemment venaient de se terminer.

Ce qu’il aurait pu apparaître au premier moment comme une annihilation de la musique prouve bientôt le contraire. En l’empêchant la musique de jouer, Cage donne la possibilité a l’audience d’écouter le son du silence, et par conséquent, dans la même voie que Beuys élargit la notion du travail de l’art, il élargit radicalement la notion de la musique en éliminant la distinction entre le son et le bruit. La suspension d’une action qui est attendu peut induire quelque chose substantiel à produire. Il pourrait être intéressant que l’architecture puisse se réserver ce droit de prendre d’avantage cette forme d’action inversé.



Textes .
L'abolition du travail en tant qu'aliénation et activité séparée de la vie qui va, Guy Debord
Doing (almost) nothing is (almost) all right, Ole Bouman
Reprogramming architecture, Ilka&Andreas Ruby
Bigness, Rem Koolhass



11.6.10

WK/NY

(William Klein / New York)

"Sur les planches de Brighton Beach, l’ennemi public n°25001, avec sa poule, morte de peur."

En 1954, après six ans de recherches picturales à Paris, notamment dans l’atelier de Fernand Léger, William Klein retourne à New York et s’embarque dans une guerilla compliquée d’amour et de haine avec sa ville natale. Moitié étranger distancié, moitié indigène révolté, il crée un journal photographique décapant. Il explore et catalogue comme ne l’avait fiat aucun photographe avant lui la métropole de l’absurde : foules abruties, défilés débiles, violences normalisée, folle accumulation de débris urbains, murs couverts de messages Dada. Il rejette l’obsession du moment d’objectivité et de non intervention et change le rapport entre photographe et sujet, jongle avec la photographie d’amateur, le reportage et la photo posée. Il emploi du film ultra-rapide, le grand angle, des cadrages et des méthodes de tirages inhabituels, arrive à libérer l’appareil 35mm tout en transformant accident, grain contraste, déformation abstraction, en un nouveau langage visuel.

"Ebbets Fields, Brooklyn. Double header : deux matches de baseball pour le prix d’un, des revers à manger de la tarte, trois hots dogs, une bière, une feuille de score et un éventail de 50 réactions"

" Un métro sans graffiti et sans joie, des usagers soignés mais peu épanoui, et un mendiant aveugle invisible."

"Des dactylos après le spectacle. Comme dans la chanson de Cole Porter : I see the show, then I go home. J’observe que les cigarettes Tareyton pratiquent une meilleure grammaire. Filters as no single filter can. Scansion iambique, en plus. Si Winston et Tareyton fusionnaient, ils pourraient faire rimer leur slogan : tastes good like a cigarettes should, Filters as no single filter could. Et les mains synchronisées. Et la discussion à l’agence de pub pour décider s’il fallait ou non de la cendre au bout de la cigarette, de quelle longueur, quelle consistance, quelle nuance de gris. Et le bonhomme de neige à oreillette et cache nez, qui pousse le coca. Et les dactylos elles mêmes, les gants, la bague, le bracelet, l’air suspicieux, les coiffures. Tout ce qu’il peut y avoir à digérer en deux secondes. "
"No comment"
"Hanburger à 40 cents"
"Staten Island, le midwest par rapport à Manhattan. Un bon petit patelin. Plus tard Twin Peaks ? Mon ombre en train de braquer l’appareil photo. Celle de ma femme, qui ramène ses cheveux en arrière. "

"Devant un café restaurant de Long Island, dont le message s’affiche sur tous les arbres ou presque. Surréalisme suburbain. " "Un martien de 15 mètres de haut pour célébrer le grand magasin Macy’s. Le défilé de la fête de Thanksgiving en ces temps moins gavés de médias représentait peut être le clou de l’année. On faisait le même battage autour des nouveaux chars et ballons de choc que pour la dernière superproduction hollywoodienne. Toute la ville parlait de cet événement des semaines à l’avance, pas question de manquer ça. Je devais avoir dix ans quand une copine anarchiste m’a annoncé qu’elle comptait s’armer de fléchettes pour faire péter les ballons. Terrifié j’y suis allé sans elle, m’attendant sans arrêt à entendre d’affreuses explosions. "

""Coin 40e rue et 2éme Avenue. Tout est là. Les milliards, les sous, la grandeur, la dégradation, l’idéologie et la communication. Centre droit, le Chrysler Building, deuxième plus grand des gratte-ciel, extrême droite, celui du Daily News, des immeubles miteux, le logo des téléphones Ma Bell, le SO d’Esso, une pancarte peint à la main qui offre le parking du week-end au prix d’ami de 75cents et, en bas à droite, une affiche de Radio Free Europe : « Combattez le communisme avec les dollars de la vérité ». A mes yeux, c’était le signe de ponctuation pour ce bric-à-brac de paysage urbain – et une farce. Mais après tout, ce n’était pas si ridicule d’imaginer que Louis Armstrong et Sinatra pouvaient contribuer à faire s’écrouler les murs."

"Le métro aérien, à hauteur des yeux. Des dizaines de kilomètres de voie ferrée urbaine au niveau du premier étage. Imaginez vous ce que c’est de grandir, de vivre, de mourir avec ces trains antiques bringuebalants sous le nez. Au passage, j’essayais de déchiffrer par la fenêtre le film accélèré de la vie dans les logements aux murs verts sous l’ampoule nue. "

Textes&Photos : William Klein, New York 1954/1955, édition Marval

Pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur le travail de Klein, voici deux liens provenant de l'excellent American Suburb X
ici une vidéo de la série Contacts où ils parlent de son travail
et là une interview de "Mister Freedom"


7.6.10

BM

(Bardi Museu)
"La beauté en elle même n'est pas quelque chose qui existe réellement. Cela existe durant une periode historique, et ensuite les modes changent et cela devient quelque chose de mauvais. Pour le musée de São Paulo j'ai seulement essayer d'assumer certaines positions. Je ne cherchais pas la beauté. Je voulais la liberté. Les intellectuels n'ont jamais aimé ça, mais les gens disaient : vous savez qui a construit ca? C'est une femme!!..."


Museu De Arte de Sao Paulo, Lina Bo Bardi architecte, 1968

20.5.10

PM

(Paysages métaphysiques)

L’appareil de Thomas Struth, est disposé depuis le point de vue d’une personne qui pourrait se trouver dans le paysage urbain à ce moment là. L’image se concentre sur de petits détails de l’architecture et de la distribution des masses par les moyens du clair obscur tandis que l’absence totale de nuages et d’autres agents atmosphériques permet à Struth de se concentrer sur chaque détail présent, dans une clarté sans pitié. Probablement photographiées au petit matin, ces images excluent les personnes et les autres créatures vivantes, devenant des paysages métaphysiques – comme des natures mortes – une représentation du monde en l’absence de l’Homme. En réalité, c’est précisément cette méticulosité dans le rendu de chaque détail, le potentiel de la prolongation de la contemplation et l’absence de vie qui précise notre attention sur le contexte qui peut autrement sembler banal et familier. Struth nous donne la possibilité de reconnaître et d’examiner non seulement la stratification historico-temporelle des divers éléments qui composent la totalité urbaine et architecturale, mais leur cohérence idéologique, l’incongruité des différents intérêts qui les a déterminé, l’état d’une inévitable contingence en attente. Le rendu plastiquement claire des bâtiments, le potentiel de la prolongation de la contemplation semble contredire la bi-dimensionalité du moyen photographique, invitant le regard du visiteur à faire un voyage « ad-infinitum », virtuel, parmi les espaces et les volumes qui sont représentés, pour entrer dans une relation, différente et plus réfléchi avec l’environnement urbain.


Dès les premiers travaux de Struth, vues en noir&blanc parcourant sa Rhénanie natale jusqu’en Italie, puis s’envolant de New York à Tokyo traduisent déjà ce processus de « nouvelle objectivité ». La répétitivité anonyme des bâtiments allemands des années 1950, le plan urbain et la reconstruction après la tragédie de la guerre, le rapide miracle économique et ses vicissitudes qui continue jusqu’au aujourd’hui, sont denses et rempli de l’Histoire. Le geste photographique renouvelle et restructure le quotidien, par lequel émerge une nouvelle lumière, le revitalisant conceptuellement, franchissant l’aspect inesthétique de l’ordinaire. Les vues urbaines d’Italie, tel Naples ou Rome évite tout aspect héliographique des vues pittoresques de cartes postales au travers desquelles ils sont habituellement dépeints, et se concentrent sur l’architecture ouvrière des années 1950, et les espaces claustrophobiques, densément stratifiés durant les centenaires, dans le centre de Naples. Cette ville est représentée verticalement, comme un autre élément de stratification avec la perspective dirigé vers les collines, excluant la traditionnelle perspective qui inclut une vue de la baie ou du Vésuve. L’absence de personnes peuplant ces images, un oxymore visuel comme des villes construites pour et par l’Homme, nous invite paradoxalement à refléter et imaginer leurs vies, leurs activités, leurs relations avec cette environnement. Architecture et plan urbain sont le miroir de l’Humanité, elles ordonnent et distribuent les fonctions hiérarchiques et les activités productives de la communauté, canalisant et influençant nos façon de vivre, pensant et nous reliant avec nous-même et les autres. Les photographies de Struth représente l’Homme, même dans son absence, à travers l’architecture, construisant une forme d’anthropologie culturelle de l’espace inhabité et traversé par lui. Plus récemment, ces photographies dans les contextes architecturaux sont chargées avec des résonances symboliques et sémantiques, ou chaque élément, couplé avec la mythologie du sujet, décrivent et mettent en évidence la condition contemporaine. Entre autre, elles se concentrent sur un gigantesque immeuble à Manzhouli en Mongolie, une région déserte juste habité par des tribus nomades et maintenant un des plus grandes routes commerciales de l’est, un faux village pirate dans un hôtel de Las Vegas, Times Square à New York, avec un énorme tableau électronique, le plus proéminent du Nasdaq, exemple figuratif du marché électronique dans le monde, symbole de l’économie numérique, une rue anonyme à Sao Paulo, une des plus grande et polluée mégalopoles mondiales, caractérisé par des contrastes sociaux fort…Struth explore les faces variées du globe et la complexité de ses effets sur la photographie. En elle-même comme l’un des instruments fondamentaux d’échanges d’informations à tous les niveaux, nous rappelant que la vie contemporaine est caractérisé non seulement par le spectaculaire avancement des moyens de transports – qui nous permettent de voyager presque partout plus facilement comparé aux génération précédentes, nous donnant une nouvelle conscience de l’espace du monde – mais aussi par l’espace virtuel sans cesse créer par les images d’endroits où nous ne sommes jamais allé et où nous n’irons peut être jamais. La représentation de Struth du contexte urbain avec lequel nous sommes familier nous permet une analyse de la nature dans l’absence de l’Homme, étendant les contour de notre conscience du monde, et dans le même temps la compréhension de combien l’Homme a occupé et modifié tous les espaces disponibles autour de lui.

Les illustrations proviennent en partie du catalogue Thomas Struth édité à l'occasion de l'exposition du photographe à Naples au MADRE en 2008,
disponibles ici.

10.5.10


La ville à travers les Images




Sans ambitions exhaustives ou historiques préalables, la Ville à travers les Images se consacre aux photographes, cinéastes, peintres dont certains travaux ne glissent pas simplement sur la surface neutre du studium, mais impressionnent nos rétines par la force de leur punctum.

Studium et Punctum sont deux notions que Roland Barthes utilise et redéfinit dans son ouvrage La chambre Claire, analyse intime sur la photographie :
« Beaucoup de photos sont, hélas, inertes sous mon regard. Mais même parmi celles qui ont quelque existence à mes yeux, la plupart ne provoquent en moi qu’un intérêt général, et si l’on peut dire, poli : en elles, aucun punctum ; elles me plaisent ou me déplaisent sans me poindre : elles sont investis du seul studium. Le studium, c’est le champ très vaste du désir nonchalant, de l’intérêt divers, du goût inconséquent : j’aime/je n’aime pas, I like/Idon’t. Le studium est de l’ordre du to like, et non du to love ; il mobilise un demi désir, un demi vouloir ; c’est la même sorte d’intérêt, vague lisse, irresponsable, qu’on a pour des gens, des spectacles, des vêtements, des livres, qu’on trouve bien.
Le second élément vient casser (ou scander) le studium. Cette fois ce n’est pas moi qui vais le chercher (comme j’investis de ma conscience souveraine le champ du studium) c’est lui qui part de la scène, comme une flèche, et viens me percer. Un mot existe en latin pour désigner cette blessure, cette piqûre, cette marque faite par un instrument pointu : ce mot m’irait d’autant mieux qu’il renvoie aussi à l’idée d’une ponctuation et que les photos dont je parle sont en effet comme ponctuées, parfois même mouchetées, de ces points sensibles ; précisément, ces marques, ces blessures, sont des points. Ce second élément qui vient déranger le studium je l’appellerai punctum ; car punctum c’est aussi : piqûre, petit trou, petit tâche, petite coupure et aussi coup de dés. Le punctum d’une photo c’est ce hasard qui, en elle me point (mais aussi me meurtrit, me poigne) "

Ce nouveau libellé permettra donc d’apporter des regards éclectiques sur la ville, à travers les images et les écrits des auteurs sur leurs travaux.

6.5.10

HL

(Homme Libre)

"Est-ce alors que j'ai, pour la première fois, compris ce qu'en d'autres régions du monde, d'aussi démoralisante circonstances m'ont définitivement enseigné? Voyages, coffrets magiques aux promesses rêveuses, vous ne livrerez plus vos trésors intacts. Une civilisation proliférante et surexcitée trouble à jamais le silence des mers. Les parfums des tropiques et la fraicheur des êtres sont viciés par une fermentation aux relents suspects, qui mortifie nos désirs et nous voue à cueillir des souvenirs à demi corrompus. Aujourd'hui où des îles polynésiennes noyées de béton sont transformées en porte-avions pesamment ancrés au fond des mers du sud, où l'Asie tout entière prend le visage d'une zone maladive, où les bidonvilles rongent l'Afrique, où l'aviation commerciale et militaire flétrit la candeur de la forêt américaine ou mélanésienne avant même d'en pouvoir détruire la virginité, comment la prétendue évasion du voyage pourrait-elle réussir autre chose que nous confronter aux formes les plus malheureuses de notre existence historique? Cette grande civilisation occidentale, créatrice des merveilles dont nous jouissons, elle n'a certes pas réussi à les produire sans contrepartie. Comme son œuvre la plus fameuse, pile où s'élaborent des architectures d'une complexité inconnue, l'ordre et l'harmonie de l'Occident exigent l'élimination d'une masse prodigieuse de sous-produits maléfiques dont la terre est aujourd'hui infectée. Ce que d'abord vous nous montrez, voyages, c'est notre ordure lancée au visage de l'humanité."

En lisant ce passage dans Tristes Tropiques, j'ai repensé à deux ou trois choses concernant les derniers hommes libres.

Ces photos de Michael Hanlon d'une tribu dans la forêt amazonienne, qui selon l'antropologue José Carlos dos Reis Meirelles, est une des dernières tribus qui n'a jamais eu de contacts avec le monde extérieur.

Le reportage First Contact ( visible ici) qui présente les premiers contacts entre une tribu Papou de Nouvelle-Guinée et des explorateurs européens. Dans les années 1930, trois australiens, Michael, Daniel et James Leahy sont les premiers blancs à s'aventurer dans la Nouvelle Guinée intérieure. Ils cherchent de l'or mais trouve finalement une tribu d'un million de personnes qui n'ont jamais eu de contacts avec le monde extérieur.

Le courrier Internationale (disponible ici) consacré aux derniers hommes libres fournissant de plus amples informations sur ces tribus, localisées en majeure partie au Pérou et au Brésil. Ce dernier fait figure d'exemples en Amérique latine, car des lois existent pour la sauvegarde des sauvages rescapés de toutes les tentatives de colonisation. Mais même si ce combat est soutenu par une fondation de protection d'État, il est difficile de contrôler toutes les missions évangéliques, les bucherons et les lobbys d'agrocarburant qui tentent de détruire ces micro sociétés, cédant à la nécessité du Brésil de se développer en utilisant majoritairement ces ressources naturelles amazoniennes.

24.3.10

VS

(Ville Spatiale)
"Les transporteur-chenilles sont une des véhicules chenilles utilisé pour transporter les navettes spatiales depuis le bâtiment d’assemblage de la NASA jusqu’au complexe de lancement 39. Ils étaient originellement utilisés pour transporter les fusées Saturne 4 et 5 durant les programmes Apollo, Skylab et Apollo Soyouz. Actuellement, ils sont en service pour le transport de navettes spatiales. Le transporteur-chenille porte les plateformes de lancement mobiles et après chaque lancement rentre dans la base d’assemblage.
Nous ne sommes pas sûr si nous pouvons parler ou spéculer sur les relations entre les véhicules chenilles et l’architecture ou l’urbanisme, mais pourquoi pas ?. Il y a juste quelques jours nous avons publié un post sur la ville spatiale de Yona Friedman ou celui-ci suggère des structures mobiles et temporaires à la place des principes structurels rigides et inflexibles de l’architecture traditionnelle. Cela nous conduit à parler de l’expérimentation avec les structures et les technologies spatiales. Pourrions nous arriver à d’autres types de villes ?


Selon Friedman, le développement des villes est imprévisible, ce qui ne permet pas aux urbanistes de dessiner une ville propre à ses habitants. Dans son manifeste, l’Architecture Mobile, quelques uns des 10 points pour une nouvelle architecture énoncent que la nouvelle société urbaine ne serait pas uniquement décidé par les urbanistes mais aussi par les structures, reflétant les avancées des technologies modernes. Ceci ne ressemble-t-il pas aux images des chenilles ?
Dans le point 9 de son manifeste, Friedman écrit : la structure qui forme la ville devrait être un squelette qui serait occupable à souhait. Les additions à ce squelette correspondraient aux désirs de chacun des habitants.


Quittons Friedman et rapprochons nous des idées d’Archigram où tout, absolument tout, devient soudainement architecture. Sachant cela les chenilles n’auraient sans doute aucun problème à être en concurrence avec les structures d’Archigram. Pouvons nous référer les chenilles comme une Walking city ? Même lorsque Peter Blake parle de ces impressions concernant Walking City il voit les structures permettant les décollages à Cap Kennedy, il y voit en fait les bâtiments d’Archigram, qui sont devenus réalité. Le design crée par les ingénieurs de la NASA est en fait très proche des axiomes de la philosophie des anglais : mobilité, flexibilité, impermanence.
Mais aussi en accord avec les idées de Ron Herron (membre d’Archigram) proposées en 1964 pour Walking city. Dans un article du journal d’avant-garde Archigram, Ron propose des bâtiments massifs avec des structures robot mobiles, doté de leur propre intelligence, qui peuvent librement arpenter le monde, bouger où les ressources et la main d’œuvre sont disponibles. Plusieurs Walking cities peuvent aussi s’interconnecter entre elles pour former une Walking Metropoolis lorsqu’il en est besoin, et ensuite se disperser lorsque la concentration du pouvoir n’est plus nécessaire.

L’influence de ces avant-gardes a survécu par delà les 50 dernières années, jusqu’à maintenant, aussi bien dans l’imaginaire que stimule ces structures spatiales ou certains travaux comme Crawler Town de Dave DeGobbi."


Cet article provient directement de l'excellent Dpr Barcelona, que je vous invite vivement à consulter.