(Monument Continu)
Alors que faire en ce week-end pluvieux ? Is shopping the only way out of the rain ? Que faire quand le shopping mall a absorbé toute expérience, quand il est devenu The ultimate experience? A trop fréquenter son espace commercial, je finis par me demander si Singapour est autre chose qu’une surface minérale sur laquelle on déambule un peu hagard, un gobelet publicitaire en carton à la main en tétant un soda, 110Kcal, 28g de glucides, I’m Lovin’it, en attendant lundi. SMS, Save My Soul.
Laisse-moi rêver, Singapour, pendant que je commence à douter de mon propre reflet dans tes vitrines. De quoi les espaces incroyables de tes shopping malls, de tes integrated resorts sont-ils les musées ? Ces millions de mètres carrés de sols recouverts par des passerelles, des ascenseurs, des galeries souterraines, des escalators, jusqu’au métro, jusqu’à l’aéroport qui les interconnecte encore, sans que jamais mon pied ne foule le vrai sol, sans interrompre une seule fois le rythme régulier du roulement de ma valise sur les joints du dallage, aux millions de mètres carrés du même dallage, de Kuala Lumpur à Honk Kong, à Paris, à New York, London, Tokyo…Est-ce ça le monument continu ? Une vraie expérience, comme nous promettent les slogans, mais peut être une expérience qui n’a plus rien à me vendre, parce que j’ai déjà tout acheté ?
Partir vers de nouvelles destinations, de nouveaux lifestyles, dans le réseau global des villes artificielles sécurisées dont Singapour est la première des portes. Fuir l’instabilité mondialisée et trouver refuge dans ces oasis de paix social et économique adossée aux actifs immobiliers. Passer, comme les jeunes professionnels urbains singapourien au stade Dubai, Together to Ease Your Life, Doha, Experience Qatar, Brunei, Excellent Leadership and Good Gouvernance for Nationale Prosperity and Stability… du capitalisme.
Expérience et destination. On est toujours dans le far west de quelqu’un. Tous ces flux qui parcourent la planète sans répit. Aller, retour, aller, retour..Se déplace-t-on encore pour partir à la rencontre d’un autre ou d’un ailleurs réel ? Ou seulement en quête de lifestyle experience dans les shoppings malls et les integrated resorts toujours plus ultimate ? Le shopping comme horizon culturel. Le real Estate comme horizon idéologique. L’art comme solution d’interstice. 33.33% finance, 33.33% béton, 33.33% communication. Il reste 0.01% pour tes idées l’architecte. C’est déjà pas mal, non ?
et en bonus, Nouveau Prolétariat à lire ici
issu de l'article de Francois Decoster, Toyo Ito, Vivocity, Singapour in Frog/Numero9 2010
30.9.10
23.9.10
ED RUSCHA
Culture Noir&Blanc et Snapshots
Ed Ruscha aime le rappeler « j’ai grandi dans un univers non coloré » Tous les films, les magazines, les comicbooks qui l’ont fascinés étaient en noir et blanc.
Le voyage initiatique qu’il fait durant sept mois dans 17 pays européens avec sa mère et son frère lui ouvre les portes de la photographie, mais plutôt comme un moyen de documenter ses futures peintures. « La photographie me permet de mettre à plat, en deux dimensions la réalité, ce qui facilite ensuite mon inspiration pour créer mes tableaux ». D’ailleurs, ces photos sont essentiellement des mises en application des techniques qu’il a apprit à l’école. Son œil se promène mais garde une vraie distance face aux mouvements, à l’activité, peu de personnes, justes des choses. Parmis les 450 photos rapportées aucune ne montre la Tour Eiffel, Montmartre ou l’Acropole, et ne s’attachent pas non plus à des sujets données. Elles ne concernent que des curiosités et une « plastique » de scènes ordinaires et de motifs isolés, qui crée un ensemble plutôt vernaculaire. Il ne figure non plus jamais de notes concernant le lieu ou la date, confirmant un anonymat qui témoigne de la volonté de saisir des détails et des impressions « je ne réfléchissais pas, je voyais quelque chose qui semblait avoir de la vitalité, et je le capturais ».
Série, livres, Non style
En revenant de l’Europe, Ruscha commence à trier et regarder ses clichés et change sa façon impulsive de prendre des photos se concentrant sur des séries, tout en gardant l’idée d’une mise à plat de la réalité pour des graphismes futurs. La première d’entre elle « products » concerne les produits de consommations courant, pris dans leur état, c'est-à-dire utilisés, endommagés, des objets trouvés, du ready made. Une démarche toujours aussi passive, mais cette fois locale par laquelle il continu a constituer une sorte de mémoire.
Peu à peu il entame de nouvelles séries, et développe sa passion pour les livres, « pour ces objets finis aux sensations tactiles ». Il publiera 17 livres en 16 ans chacun dédié à une série. Les livres matérialisent petit à petit ces inspirations, et lui permettent d’affiner au fur et à mesure cette idée d’objectivité et du refus d’un quelconque style ou regard par rapport au sujet photographié. Il établi ainsi une trame pour chacun d’eux, où les images se posent sur une grille prédéfini, cherchant une neutralité et une clarté rigoureuse. Et le non style devient petit à petit un style, qu’il archive désormais dans des ouvrages papier.
26 gazoline stations & 34 parking lots
« J’ai eu la vision d’être un grand reporter quand je fis la série sur les stations essences. Je faisais l’aller-retour Oklahoma-Los Angeles cinq ou six fois par an, et je voyais tout ces territoires en friche en me disant que quelqu’un devrait surement rapporter de leurs nouvelles en ville. Prendre les stations essences, unique repère dans ces paysages désert, toujours de la même façon, était pour moi la voie la plus direct de ramener ces nouvelles, la façon la plus simple de prendre les faits. Ce n’était juste qu’un manuel, comme un manuel d’instructions, pour les gens qui voulaient en savoir plus sur des choses comme cela ».
Toutes les stations ont la même composition, dictée par la même structure de la fonction : garage, magasin, réservoir surplombant et une marque, un logo. Ce qui intéresse Ruscha, outre l’effet cinématique même du snapashot (il roule, il s’arrête, il prend toujours la même photo, il repart) ce sont les petits détails qui ressortent alors, les signes que les compagnies mettent en place pour permettre à leur client de s’identifier. Par cette action répétitive, qui transpire dans toute sa démarche, par cette neutralité qu’il cherche et qu’il explore à travers différentes trames (technique de prise photographique, grilles de ces livres, structures fonctionnelles similaires des bâtiments) il met en exergue les différences, les détails, et les exalte, tout en restant désengagé.
Ce travail conceptuel va prendre un sens encore plus abstrait avec la série 34 parking lots in Los Angeles. Un dimanche matin, lorsque les parkings sont vides, il loue un hélicoptère et un photographe professionnel et survole la ville pendant une heure et demi, donnant des instructions aux photographes prenant les clichés pour lui.
Ces photographies aériennes créer une vision en entonnoir, et une profondeur de champs qui ne peut pas être mesuré ou défini. Dans ces images en particulier, prise du dessus depuis une altitude relativement basse, le point de vue ne génère pas l’illusion de profondeur spatiale, mais suggère plutôt un terrain plat sur une pente oblique. Si l’on revient sur les premières photographies de Ruscha, et notamment cette vue de Venise prise en 1961, on ressent alors avec ces photos de parkings a quel point ces aspirations étaient déjà présente, mais dans un état non contrôlé. Ce qu’il fait avec ce travail aérien, avec le bagage conceptuel qu’il a mis en place, n’est que la prolongation d’une recherche entamé intuitivement 8 ans plus tôt et qui le poursuivra, une mise à plat de la réalité, le jeu des diagonales et des perspectives, et la lente et méticuleuse rationalisation des ces impressions.
et en bonus On the sunset Strip, un dépliant de 9 mètres de long sur lequel sont photographié chaque batiment du Sunset Strip de Los Angeles
Livre.
Ed Ruscha Photographer, Whitney Steidl Editions, 2006
Vidéo.
Ed Ruscha parle de son travail ici
Tracks.
The doors, L.A Woman, là
Libellés :
//La Ville à travers les Images,
Architecture,
Urbanisme
18.9.10
Ne ( presque ) rien faire est ( presque ) très bien
Guy Debord, John Cage & Rem Koolhaas
Face à ce déluge d’énergie, plus rien ne doit être laissé au hasard, l’architecte tente de tout contrôler et ce qui compte est de poser un univers total.. Tout doit être complètement travaillé, ne laissant ni questions ouvertes, ni le moindre trou non rempli. Basé sur une totale refonte, l'architecture tente une retouche de la réalité plutôt que l’addition de subtiles touches. Elle veut toujours des stratégies, alors que les tactiques sont souvent de meilleures solutions.
Pour une grande partie de l’architecture contemporaine, le dossier de concours semble représenter la condition unique. Il est vu comme un cadre de travail qui défini autoritairement là ou le projet doit aller, c’est la mission qu’il faut remplir sans questionner la mission plus que cela. En adoptant cette relation au programme, l’architecture se met fatalement au dépend de sa qualité. Si le programme est maladroitement défini, ce qui est souvent le cas avec les compétitions, alors la réponse architecturale à la question posée ne peut pas être beaucoup plus intelligente. Le programme n’est pas une donnée ultime, mais un matériel visant à être traité, réfléchi, testé, questionné et si nécessaire, redéfini.
Cet acte de réinterroger la question peut causer aux architectes une variété de conclusions radicales. Une d’entre elle peut être de rejeter le projet.
Il y a par exemple ce fameux épisode concernant l’architecte Cédric Price et le couple marié qui lui ont demandé de construire une maison. Lorsqu’ils ont commencé à expliquer ce qu’ils désiraient, ils ont eu une dispute, marquant évidemment leurs différents désirs et concepts à propos de la maison. Finalement Price les a interrompu, et leur a dit que ce dont ils avaient besoin n’étaient pas d’un architecte, mais d’un avocat, et a rejeté la commande. Même si Price n’a pas fait le projet, il n’a pas clairement rien fait. Il a fait une proposition dans l’urgence concernant ses clients pour les mettre devant le fait que le vrai problème n’était pas de construire une maison, mais de reconstruire leur relation. Ce qui est un refus constructif.
C’est aussi le cas quand le projet refuse de se matérialiser en tant qu’œuvre, comme la fameuse composition de John Cage appelé 4’33’ qui consiste en un pianiste assis au piano et ne jouant pas pendant exactement 4 minutes 33 secondes. Ce n’est évidemment pas rien, et cela devient un scénario vraiment dense. Le public commence à se demander ce qu’il se passe et pourquoi le musicien ne commence pas à jouer. Pour compenser l’insupportable silence, les spectateurs commencent à émettre des bruits furtifs, raclant leurs gorge, gesticulant nerveusement.. C’est seulement quand le musicien se lève et quitte la scène que l’auditorium réalise soudainement que la performance pour laquelle il était venu et qu’il attendait impatiemment venaient de se terminer.
Ce qu’il aurait pu apparaître au premier moment comme une annihilation de la musique prouve bientôt le contraire. En l’empêchant la musique de jouer, Cage donne la possibilité a l’audience d’écouter le son du silence, et par conséquent, dans la même voie que Beuys élargit la notion du travail de l’art, il élargit radicalement la notion de la musique en éliminant la distinction entre le son et le bruit. La suspension d’une action qui est attendu peut induire quelque chose substantiel à produire. Il pourrait être intéressant que l’architecture puisse se réserver ce droit de prendre d’avantage cette forme d’action inversé.
Textes .
L'abolition du travail en tant qu'aliénation et activité séparée de la vie qui va, Guy Debord
Doing (almost) nothing is (almost) all right, Ole Bouman
Reprogramming architecture, Ilka&Andreas Ruby
Bigness, Rem Koolhass
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